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jeudi 30 décembre 2021

Ma pire expérience de grossophobie médicale : la moins "violente" de toutes


Voilà plus d'un an que je n'ai rien écrit sur le blog. Mais au-delà de la fatigue et du surmenage habituels, je sais d'où ça vient : une des dernières expériences de grossophobie médicale que j'ai vécues en avril dernier m'a mis une claque dont je ne me suis pas encore remis·e

Comme l'année avait déjà commencé assez sur les chapeaux de roues avec l'émission de chirurgie bariatrique grossophobe de Karine Le Marchand sur M6 et que la mobilisation de Gras Politique et des militant·e·s féministes anti-grossophobie #PasMaRenaissance avait été extrêmement énergivore... j'ai du me mettre en retrait pour cicatriser —tout en culpabilisant de ne plus trop réagir aux actualités sur la grossophobie ces derniers mois, sinon, ça n'aurait pas été drôle. Bref, je ne sais pas si je suis tout à fait prêt·e à l'heure où j'écris ces lignes, mais j'ai en tout cas la certitude qu'il m'est nécessaire de laisser cette mauvaise expérience derrière-moi, en 2021, et qu'il me reste très peu de temps pour le faire en posant des mots dessus. Alors advienne que pourra, je me lance. 

Baisser sa garde face à la grossophobie médicale : grosse erreur !

Comme le titre vous l'aura indiqué, je vais vous parler de l'expérience de grossophobie médicale que j'ai le plus mal vécu en 32 tours du Soleil, bien qu'elle n'ait pas été « méchante » ou « maltraitante » pour un sou. Faites-vous infuser un petit pisse-mémé, je vais planter le décor et ce ne sera pas exactement rapide.

Militant·e LGBTQI+ et féministe engagé·e dans la lutte contre le VIH/sida et la sérophobie depuis 2015, dans une association, puis maintenant deux, j'ai souhaité en début d'année dernière intégrer un essai vaccinal ambitieux qui s'est lancé en région parisienne. Cela nécessitait : une bonne disponibilité durant plusieurs mois pour des examens réguliers, de suivre des consignes assez strictes pour que le protocole scientifique de l'étude soit respecté et être à l'aise avec l'idée que, selon si on se retrouvait dans le groupe placébo ou non, il y avait la possibilité de se retrouver avec un "faux positif" VIH (la présence souhaitée d'anticorps lorsque l'on développe un vaccin, en gros). Ce qui, sérophobie administrative oblige (les personnes séropositives sous traitement ont une espérance de vie égale à celle des séronegs), aurait nécessité des justificatifs pour les banques et assurances lors d'une demande prêt notamment, sachant qu'en temps que personne obèse je suis déjà mauvais·e candidat·e pour ce genre de démarches... mais c'est un autre sujet.

Le jour de mon entretien avec une des deux personnes en charge de l'essai vaccinal en visio, j'avais bien tout cela en tête, mais une question et une seule à poser : mon poids va-t-il être un problème pour participer à cette étude ? Après mes découvertes du printemps 2020 sur les restrictions « à la tête du client » imposées aux donneurs·ses de sang gros·ses par de l'Établissement Français du Sang, je préfère ne pas compter sur l'objectivité des soignant·e·s que j'ai en face sur le sujet et poser directement la question. Mais, mon obésité ne sera pas un obstacle, m'assure le professeur ! Une réponse apaisante qui m'a permis de me projeter dans ma participation à cet essai qui, vous l'aurez compris dans le paragraphe précédent, me tenait énormément à coeur.

On en apprend vraiment tous les jours sur l'étendue de la grossophobie

Rassuré·e, quelques semaines plus tard, je me rends dans l'un des hôpitaux où le suivi de l'étude est assuré, en journée, sur des heures qu'il me faudra rattraper au travail. Je m'acquitte des formalités à l'accueil puis suis reçu·e par une personne que je ne connaissais pas et non mon interlocuteur, dans un bureau, pour un dernier entretien avant de passer aux prises de sang préalables à l'entrée dans le protocole d'essai. Tout d'abord, on doit s'assurer que je n'ai pas de contre-indications. Je parcours le document de plusieurs pages (je n'ai pas compté, j'aurais dû, me dis-je rétrospectivement, pour souligner l'absurdité qui approche), et rien, absolument rien, en travers du chemin. Mais une fois cela terminé, on me demande de monter sur la balance. J'ai vu flou. Je ne l'ai pas vu venir et n'ai pas su protester, alors même que mes angoisses d'ancien·ne anorexique de me confronter à cet instrument de torture sans avoir enlevé toutes les couches de vêtements possibles auparavant remontaient, je suis monté·e dessus.

Tout est allé très vite. Je n'ai pas regardé mon poids, je m'en fous, mais la soignante s'est immédiatement lancée dans le calcul de mon IMC, sans un regard vers moi. Verdict : 42 et des poussières, ce qui, apparemment, disqualifiait sur le champ ma participation. La pièce s'est mise à tanguer. Pardon ? La limite est de 40, m'indique-t-on. Ce n'était pas sur le questionnaire que je venais d'avoir entre les mains, et surtout, le mec à la tête de l'étude m'avait assuré que mon obésité ne serait pas un problème. Il doit y avoir une erreur. J'essaie de garder mon calme et demande à ce que cela soit confirmé, ou infirmé. Elle me laisse seul·e quelques minutes dans la pièce puis revient avec une collègue, l'air gêné, un peu désolé aussi, pour me dire que, effectivement, on m'avait fait·e venir pour rien car ma candidature à l'essai n'était pas recevable en raison de mon poids. 

Je ne sais pas comment j'ai réussi à sortir de ce dédale de couloirs, d'ascenseurs et de halls en gardant la tête haute, mais une fois sur le parking, j'ai explosé. Malgré le flot continu de larmes qui embuait mes yeux, je me suis empressé·e d'écrire au professeur qui dirigeait l'étude pour lui faire part de mon incompréhension et de ma déception, tout en lui rappelant le b.a.-ba de l'IMC, à savoir :

Quelques heures plus tard, lorsque j'ai repris ma journée de télétravail, défait·e et les yeux en feu, j'ai reçu sa réponse :

« Chère Olga je suis désolé et cela est de ma faute j'aurais du demander plus exactement vos mensurations. Je suis d'accord avec vous que tout cela est assez arbitraire mais ce sont des critères que nous ne pouvons pas contourner.

Je vous remercie encore pour votre engagement et vous tiendrai au courant si vous le souhaitez de la suite de ce projet

Bien cordialement »

Naturellement, je n'y ai rien trouvé de réparateur dans ces mots, juste un bon torrent de boue au moulin de ma colère. « Je suis d'accord avec vous que tout cela est assez arbitraire mais ce sont des critères que nous ne pouvons pas contourner ». Un éminent membre du corps médical venait littéralement de hausser les épaules pour confirmer toutes les choses que les fat activistes dénoncent depuis des décennies au sujet de l'IMC comme unité de mesure pertinente.

Je suis trop lourd·e —par rapport à quoi, on ne sait pas— juste trop lourd·e

J'aurais pu surenchérir : mais du coup, le vaccin, à terme, il serait aussi injecté à des personnes obèses, n'est-ce pas ? Je n'ai aucune des nombreuses et pour certaines fréquentes contre-indications à l'étude et c'est mon IMC, qui ne donne aucune indication sur mon état de santé, le facteur d'exclusion ? Vous admettez que l'Indice de Masse Corporelle est un outil daté et arbitraire mais vous n'avez pas songé à l'enlever des facteurs de sélection pour votre étude parce que... c'est comme ça ? Je bouillonnais de rage. Mais j'ai préféré laisser tomber. Je suis trop lourd·e — par rapport à quoi, on ne sait pas — juste trop lourd·e et ce constat est un point final. Avec des années de lutte contre diverses formes de grossophobie derrière moi, j'ai appris à choisir mes combats, celui-ci était, malgré ce que l'on m'avait initialement assuré, perdu d'avance.

Clairement, vous avez venu voir le truc dès les premières lignes de ce témoignage, contrairement à moi qui me pensais en sécurité après un échange oral. Mais j'ai envie de m'attarder sur le ressenti que j'en ai, encore aujourd'hui, 8 mois après. Dans le titre puis l'intro de ce billet de blog, je parle de la pire expérience de grossophobie médicale que j'ai vécue. Je m'auto-choque presque, en l'admettant. Parce que des connards en blouse blanche qui m'ont fait une leçon sur la posture, le sport et l'alimentation sans regarder ma gorge alors que je venais pour une angine purulente ou qui ont pris soin de préciser que mon foie était « graisseux » pendant l'écho censée déterminer la taille des calculs rénaux qui me faisaient tordre de douleur, j'en ai rencontré un paquet sur mon chemin...

Les médecins qui se sont montré·e·s méprisant·e·s, injustes, indélicat·e·s, insensibles voire méchant·e·s quant à mon poids, je ne les compte plus, et ça, c'était de la violence médicale grossophobe pure jus. Alors pourquoi est-ce que j'ai si mal vécu cette dernière expérience ? Après tout, ce n'est pas un droit que de pouvoir participer à une étude clinique en tant que cobaye, j'en ai bien conscience. Il ne s'agit pas non plus de mon accès à la santé, fondamental, je m'en rends bien compte.

J'ai échangé avec pas mal de copaines ces derniers mois à ce sujet, concerné·e·s par le VIH, par le surpoids ou l'obésité, les deux à la fois pour certain·e·s, ma psy bien sûr et quelques soignant·e·s non-grossophobes de mon entourage. Toustes ont été choqué·e·s et m'ont confirmé que je n'étais pas dans le caprice que ma grossophobie intériorisée me le laissait penser. Iels m'ont permis de comprendre que ce que j'avais vécu là en terme de grossophobie médicale était une violence symbolique réelle. Et c'est vrai, en sortant de l'hôpital, je me sentais bon·ne à rien, inutile et seul·e fautifve de l'être. Ce qui est bien caractéristique des délicieuses sensations que la grossophobie offre aux gros·ses — sans solutionner « l'épidémie d'obésité » pour autant, étrangement, mais bon, comme pour l'usage de l'IMC, on continue, parce que flemme de changer quoi que ce soit pour ces feignasses de gros·ses et puis, le contrôle du corps est une valeur vue comme morale facilement cotable en bourse après tout !

Rappel : aucune excuse pour la grossophobie.

Ce n'est certes pas mon intégrité physique qui a été menacée, mais ma valeur en tant que membre de la société qui a été remise en question par cette règle bancale mais traditionnelle de l'IMC « trop élevé », comme pour ma mésaventure au don de sang. Et, mes cher·e·s adelphes du gras, laissez-moi vous dire et vous répéter que tout, absolument tout, ce qui nous fait sentir inférieur·e·s, indésirables et indignes de considération et de respect en raison de notre grosseur est le problème que nous n'avons jamais été.

Mes gros·ses sûr·e·s, en cette période de fêtes de fin d'année particulièrement riche en grossophobie, je vous envoie toutes mes plus tendres pensées pour vous caresser, si vous y consentez, dans le sens du bourrelet. J'espère —sans trop y croire non plus, vu que la dernière fois que je me suis permis d'être moins vigilant·e la réalité m'a roulé dessus— que l'année 2022 sera plus douce avec nous. Prenez soin de vous, et, vraiment, invoquez le pouvoir de la non-mixité grosse aussi souvent que possible pour recharger les batteries ❤️❤️❤️



PS : quant à l'IMC, l'article de Lucie Inland Plus que jamais, l'IMC est une mesure obsolète de la bonne santé sur Slate (qui m'a d'ailleurs fait l'honneur de citer mon billet sur le don du sang) est un essentiel, à faire lire à toustes !

vendredi 15 janvier 2016

"Jamais assez maigre, journal d'un top model" à lire, mais aussi à nuancer ;) [digression inside]

Cette semaine j'avais envie de me réjouir de la sortie _très médiatisée_ du témoignage écrit, difficile mais nécessaire, de l'ex-mannequin Victoire Maçon Dauxerre : "Jamais assez maigre, journal d'un top model". Mais aussi de le nuancer (bien que je ne l'aie pas encore lu, et que je m'interroge sur l'envie de le faire, ayant moi-même vécu cette maladie il y a quelques années). Je m'explique : pas nuancer son vécu, son ressenti, son histoire ni les leçons et cicatrices que lui ont laissée cette expérience, et dont elle parle publiquement aujourd'hui, non, bien sûr. Tout ça est à 1000% légitime, et mérite d'être largement partagé. Mais je voulais tenter d'accompagner les conclusions que nous, "public", pourrons en tirer, hors des sempiternels clichés de comptoir qui nous font tourner en rond...


(Je préviens aussi : je ne vais ni commenter ni analyser cette publication, non plus ;) Sa sortie est juste ici le point de départ d'une petite réflexion que j'avais envie de partager avec vous, histoire de plonger un peu plus profondément dans les enjeux du culte du corps tel qu'il est à l'heure actuelle. Le blog tel qu'il est est encore tout frais, et c'est un très bon prétexte pour aborder le sujet en partant d'une actualité importante, que je relaie par la même occasion. Il faut bien que j'essaie de me lancer dans des posts au cœur du problème !)

Je trouve en effet que ce témoignage est une très bonne chose pour dénoncer la pression, tout ce qu'il y a de plus réelle et de plus effroyable, que vivent les femmes (et en particulier, évidemment, les mannequins, au cœur du problème si j'ose dire, et les hommes aussi, de plus en plus) au quotidien pour être minces. Et pour faire connaître les dérives en coulisses du milieu de la mode à ce sujet, ainsi que l'obsession que cela entretient, à grande échelle, tout autour, dans notre société de consommation et d'image, déjà bien sexiste sans ce culte de la taille 0. Oui, la publication de ce livre est une très bonne chose, merci à son auteure pour son courage et son militantisme.

Mais, étant malheureusement assez maso pour aller lire les réactions sur les réseaux sociaux, je sais d'avance (c'est déjà le cas, en fait) que ce récit servira de support à des commentaires pas bien réfléchis et agressifs du style "De toute façon ils sont moches ces sacs d'os, les vraies femmes (j'ai la nausée rien que de retranscrire cette formule oppressive... *soupir*) ont des formes bla bla bla". Discours volant à peu près aussi haut que de commenter le moindre post body positive mettant en scène une femme ronde en disant que c'est "faire la promotion de l'obésité", et que ces corps-là sont "dégueulasses", puisqu'on va par là. Oui oui, le body shaming, quelle qu'en soit la forme, ça pue du cul.

Ce serait dommage de passer à côté du vrai débat
Et c'est précisément de ces discours-là, en particulier dans ce contexte, dont j'ai envie de vous parler aujourd'hui.

Pourquoi les réactions, typiques, que j'évoque ci-dessus sont tout sauf bonnes ?

*Parce qu'elles ne font qu'entretenir la "concurrence", entre les femmes quant à leur physique
Et que ça revient à huiler le mécanisme du patriarcat, qui a tout intérêt à ce qu'on se tire dans les pattes entre nous histoire qu'on oublie de se rebiffer contre le véritable responsable de notre mal-être, à savoir l'environnement ultra-sexiste, et consumériste, dans lequel nous évoluons.

*Parce qu'elles renforcent le clivage minces/rondes-maigres/grosses et que c'est contre-productif
Je ne cesserai jamais de le marteler, il ne s'agit pas de privilégier une "catégorie" aux dépens d'une autre, ni d'établir une "norme" entre les deux, car cela créerait tout simplement de nouvelles injonctions aux corps, de nouvelles formes de body shaming, de nouvelles raisons d'exclure arbitrairement des êtres humains du droit de vivre en paix avec leur reflet dans le miroir. Mais il est primordial en revanche de di-ver-si-fier les morphologies, origines, genres, âges et conditions physiques dans nos représentations collectives. On nous vend du gros bullshit casté, conditionné et photoshoppé, ouvrons les yeux : la beauté est multiple.

*Parce qu'elles n'apportent pas de positif et ne font qu'embourber le débat dans des clichés surannés
Non seulement ces réactions entretiennent le "modèle unique", trompeur et toxique, de représentations "idéales" des corps ainsi que tous les mécanisme patriarcaux ultra-violents qui maintiennent tout ça en place, mais en plus, elles nous font tourner en rond en nous détournant des vrais problèmes, et des vraies solutions. Et puisqu'on va par là, "interdire" des femmes "trop maigres" de défiler ne va pas arranger les choses comme on vient de le faire chez nous (clap clap, not), au contraire, cela va accentuer la tension que je décris dans les deux points précédents.



*** digression très "extrapolatoire" is coming ***



Prolonger le débat, vers la vraie source du problème
(attention, je vais partir trèèèès loin du sujet initial en relativement peu de lignes^^)

Le souci ne se situe donc ni dans la minceur, ni dans la maigreur, en soi (tout comme il y a des personnes "en surpoids" en parfaite santé, il y a des personnes très frêles qui le sont aussi, parce que l'IMC aussi c'est du vent, et quand bien même, la santé des gens ne concerne que ces derniers, j'y reviendrai dans un article dédié) mais dans le fait qu'un seul "type" de beauté "parfaite", ne soit représenté à grande échelle : mince, élancé, blanc, valide, jeune, hétérosexuel, cisgenre... Et surtout, dans la pression que nous subissons pour y correspondre coûte que coûte.

Et le débat va encore, et malheureusement, bien plus loin que ça.

À qui est-ce que tout ça profite ? Pas à celleux qui sont né.e.s pile poil avec les bons attributs et dispositions, si j'ose dire, parce qu'elleux aussi, finalement, ne se sentiront "jamais assez" ceci ou cela, malgré leurs avantages et privilèges. Non. C'est à la société patriarcale (= maintenir les femmes en état d'infériorité en les montant les unes contre les autres, "diviser pour mieux régner") et "blantriarcale" (=n'oublions pas que les personnes racisées vivent toutes ces injonctions deux fois plus lourdement que la "norme" blanche) et à son économie capitaliste (= consommer toujours plus de cosmétiques, de fringues de de marque taille 34,  de chirurgie esthétique, de produits et abonnements fitness sans parler de toute l'économie du régime/de la détox) que tout ça rapporte. Et voui voui, tout ça, c'est lié (coucou l'intersectionnalité des luttes).

"Si demain, les femmes se réveillaient en décidant qu'elles aimaient vraiment leur corps, imaginez seulement combien d'entreprises mettraient la clé sous la porte"


Voilà, en (très) gros, les tenants et aboutissants du culte du "corps parfait". (Je n'ai ni le temps, ni les épaules, ni les outils ni même l'envie à l'instant T de me lancer dans une analyse sociologique complète en 3658 pages^^)

Donc oui, on est d'accord, ce ne sont pas de petits moulins inoffensifs contre lesquels il s'agit de partir en guerre, on a du boulot pour encore bien des années pour déverser nos sacs de paillettes arc-en-ciel dans les rouages de leur mécanisme. Mais est-ce pour autant qu'on doit se résoudre à accepter un système aussi mensonger et aussi nocif ? Si tout le monde, à son échelle, commence déjà à questionner "la matrice" (j'aime pas dire "le système", vu le penchant extrêmement à droite des gens se revendiquant anti-système je pèse mes mots :3), la société telle quelle est actuellement, c'est déjà un très bon début.

En vrai, la déconstruction sociale c'est plus compliqué qu'une histoire de pilule rouge, même si la métaphore est chouette ;) Désapprendre toutes les "vérités" avec lesquelles ont a grandi prend du temps, il faut prendre le temps d'y aller pas à pas.

Je ne sais pas vous, mais moi, quand je me prends à rêver d'un monde où les corps, origines, genres, orientations sexuelles, âges, degrés de validité/handicap seraient représentés aussi diversement que dans la rue sur tous les supports publics... où le rythme des collections textiles serait ralenti pour pouvoir penser à toutes les tailles et ne pas faire fabriquer les pièces en exploitant la main d'oeuvre de pays lointains pour des clopinettes (dédicace à ma meilleure amie et son site, The New Wardrobe, spécialisé dans la mode éthique #slowfashion)... où on consommerait moins mais mieux une mode, plus créative (il me semble bien que c'est pour ça que notre cher Jean-Paul Gaultier s'est retiré du prêt-à-porter, d'ailleurs) et respectueuse de l'environnement et qu'au passage, l'industrie cosmétique suivait cet exemple en sublimant toutes les beauté.e.s sans injonctions... où l'on pourrait tou.te.s se trouver belles et beaux sans avoir à souffrir et se comparer aux autres pour essayer de correspondre à un modèle ultra-restrictif... ben, non, je ne trouve pas que ce soit du délire, ni que ce ne soit pas atteignable. Déso.

Et pour faire de cette utopie (sans patriarcat, blantriarcat ou économie capitaliste, entre autres, je peux extrapoler facilement, mais y'a des limites^^) une réalité, réfléchir à l'intelligence, la bienveillance et la portée de ses propos face à la dénonciation des dérives du modèle en place serait déjà, croyez le ou non, un grand pas en avant.







jeudi 30 octobre 2014

La Minute Féministe #3 : ma première action transport avec #StopHarcèlementdeRue



Il y a maintenant un peu plus de trois mois, j'ai rejoint le collectif Stop Harcèlement de Rue, que je suivais depuis ses débuts sur les réseaux sociaux. L'heure est (presque) au bilan... Je me suis tout de suite sentie "chez moi", avec ces militant.e.s de tous horizons qui ont énormément enrichi mes connaissances sur le féminisme (bien que le collectif ne se revendique pas en tant que tel ;) ). Ces personnes passionnantes et passionnées font aujourd'hui véritablement partie de ma vie.








Jusque là, je me suis limitée aux actions de collage. Cela me permettait de rencontrer, observer, échanger. Sans forcément devoir moi-même, tenir un discours, bien que je connaisse le sujet. Je ne me sens pas encore totalement légitime tant il me reste à apprendre pour être aussi convaincante que convaincue et tant j'ai peur que la rage face à l'inégalité qui bouillonne en moi ne l'emporte sur... toute la pédagogie nécessaire pour faire contribuer à faire avancer les choses durablement.

Mais j'ai rapidement été amenée à me surpasser. Pour notre action à la Fête de l'Huma en septembre, j'ai distribué des tracts avec la #teamantirelous et j'ai du... ouvrir la bouche. Parler. Interpeller. Discuter. Avec les festivaliers, qui n'avaient pas tout leur temps ou qui n'étaient pas d'accord. J'ai trouvé ça très difficile et éprouvant, et je pense que j'aurais pu mieux faire. Mais c'est en forgeant qu'on devient forgeron (paraît-il) et nous nous sommes toutes encouragées et félicitées les unes les autres, les géniales comme les hésitantes. On fera encore mieux la prochaine fois ! Et c'est dire... regardez-donc la vidéo ci-dessous ;)







Lors de la dernière assemblée générale, j'ai discuté avec une des activistes qui gérait la prochaine action transports de prévue, qui me disait qu'elle manquait de volontaires. Comment refuser ? Ni d'une, ni de deux, je me suis inscrite (la boule au ventre, quand même). L'idée est de choisir une ligne de métro et d'y distribuer nos tracts de conseils (illustrés par des extraits du Projet Crocodile de Thomas Mathieu, qui est d'ailleurs en dédicace ce soir de 17 à 20h à la librairie Super-Héros au 175 rue Saint Martin à Paris) sur les réactions à avoir lorsque l'on est victime ou témoin de harcèlement dans les transports.... tandis qu'un courageux fait un petit discours pour présenter le collectif et l'action aux voyageurs de la rame.

Dans ma tête, il était évident que je ne ferai que distribuer tant cela me mettait face à ma timidité. Seulement, le jour de l'action, nous sommes trois à avoir la gorge serrée et le palpitant lâché au galop. C'est la plus ancienne d'entre nous, qui a déjà fait une action transport, qui prend sur elle de "faire le clown" pour que nous, bleues, distribuions les tracts.






Je l'admire. Et je l'envie. J'aimerais tellement en faire de même, mais il me faudra sans doute quelques actions au compteur avant de pouvoir donner moi aussi de la voix... Puis, ma binomette décide de se lancer, par soutien, et pour voir. C'est l'occasion où jamais de sortir de ma coquille, j'en ferai de même un peu plus tard alors... tant pis pour mon amour propre, il est des choses plus importantes en ce monde :)

Elle s'essaie à l'exercice, laissant notre guide du jour souffler un peu, et tout se passe bien. Il n'y a pas de raisons qu'il en soit autrement pour moi. Vient mon tour... et ma voix tremblotante se fait forte, je n'ai pas l'impression de chercher mes mots, je parle avec mes tripes. Et tout se passe bien, là aussi.

C'est épuisant. Mes jambes tremblent. Mais punaise que c'est bon ! C'est encore loin d'être parfait, mais au moins, j'ai essayé. On a essayé. On s'est tirées vers le haut les unes les autres et au delà de mon engagement contre le harcèlement de rue, ce que j'aime dans ce collectif, c'est bien cet esprit d'équipe, de camaraderie, "d'empowerement"...

Les réactions du "public" sont encourageantes. Pas de contradicteurs sur notre chemin ce soir là, juste quelques vents et quelques moues, et ceux qui réagissent nous disent que l'on a raison, qu'ils sont heureux de voir une jeunesse engagée et qu'ils parleront de notre collectif autour d'eux. En somme, après une heure et quart et 400 tracts distribués (ne parlons pas des litres de sueur versés ni de auto-coups de pied aux fesses distribués sur la même période^^)... on peut dire que c'est un succès.

Je me suis inscrite à la prochaine action, la semaine prochaine, j'ai hâte d'y être. Vous venez ? ;)







Super héroïne d'un soir-ment vôtre,




Olga




PS : vous noterez le changement du nom de ma "rubrique"... Pas que ma blagounette "chienne de garde" (un mec m'a appelée comme ça il y a quelques années, quand j'ai pris la défense d'une amie avec laquelle il avait été violent) ne me plaisait plus, mais a) avec mon nouveau boulot, j'ai quelques nouvelles notions de SEO qui me titillent le clavier et b) j'aime le mot féministe, je n'en ai pas peur, alors pourquoi ne pas le revendiquer, finalement ?!