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dimanche 24 janvier 2016

Cette photo qui me mettait mal à l'aise (cul nu et #freethenipple inside)

Voilà plus de trois mois que j'ai fait une série de photo de nu, et que je ne l'ai pas partagée, bien que je l'adore. Tout ça, à cause d'une photo en particulier : celle-ci, juste en dessous.

Je l'ai tout d'abord trouvée belle, puis, j'ai vu, en bas à gauche, les bourrelets. 

C'est la première fois que je me voyais ainsi en image, puisque j'ai l'habitude des photos "flatteuses", où je pose "façon pinup" ou "statue de l'Antiquité" (lol #lamodestie). C'est à dire debout, et avec un accent particulier sur ma chute de reins, plutôt prononcée. 

Passé le choc de me découvrir sous cet angle, je l'ai trouvée moins jolie, j'ai même pensé à la supprimer. C'est là que ça a fait tilt (ouf !).

Non, je ne suis pas "moins belle" dessus.

Je suis réelle, telle que mon corps me dessine est dans certaines positions ou certains mouvements. Aussi réelle que dans des poses plus convenues. C'est bien la même enveloppe corporelle que celle que je trouve agréable à regarder sous d'autres coutures. Et si je suis si body positive que ça, je devrais pouvoir dépasser ce point de détail...


Ça m'a pris plusieurs mois, mais j'y suis arrivée (je ne dis pas que je n'ai pas l'impression que mon cœur va bondir hors de ma poitrine au moment où je finalise la publication de l'article). Et je me suis rendue compte qu'en fait, ça allait encore bien plus loin que mon rapport à mon corps tel que je n'ai pas l'habitude de le voir représenté.

J'ai beau être militante féministe et bodi posi jusqu'à la moelle, faire des photos mi-rigolotes mi-provoc sur Instagram de temps en temps et être pleinement convaincue que la poitrine féminine est bieeeeeeen trop sexualisée dans notre société et que c'est totalement infondé, puisque ces messieurs ne subissent pas l’opprobre lorsqu'ils dévoilent un téton... J'ai beau suivre le mouvement #FreeTheNipple depuis le début et avoir déjà posté quelques clichés avec ce hashtag (mais clairement, jamais aussi directs, ni sur un support de type "blog")... Ça reste un grand pas, une grande première. Un obstacle à franchir. 

Un roc, un cap, que dis-je un cap, une péninsule. Toussa.

Donc bien que, vis-à-vis de moi-même, je n'ai pas (plus) le moindre complexe avec ces photos, je ne peux pas faire taire complètement les petites voix qui me susurrent le doute à l'oreille. Le milieu professionnel, la famille, les trolls fat shamers... ou l'incommensurable fatigue de déjà m'imaginer répéter à tire-larigot que "Non, un nu n'est pas forcément 'sexuel'" (D'ailleurs, je ne vois pas ce qui poserait vraiment problème si ça l'était, sexuel, mais c'est un autre débat) pour avoir à me défendre sur un sujet qui n'a jamais été une "offense".

Je n'ai rien à me reprocher. RIEN. Ni ma grosseur, ni mes tatouages, ni mon maquillage prononcé, ni mes cheveux chimiques, ni ma nudité, ni même mon envie de rendre tout ça public. Car ce choix m'appartient, aussi bien que mon corps et mes convictions. 

Chuis droite dans mes bottes, dans mes convictions féministes, excentriques et body positive. Et je trouve que c'est quand même dingue de se sentir autant en posture "de justification" malgré tout, alors qu'en fait, tu fais absolument rien de mal ! Et c'est précisément pour ça que je veux poster cette série aujourd'hui. Pour emmerder le patriarcat, pour emmerder les pudibonds, pour emmerder les injonctions au corps et pour emmerder les restes de chaînes qui me retiennent encore un peu, parfois.

Donc voilà, FUCK THIS SHIT. On verra dans 10 ans si c'était une connerie, en attendant je suis libre, et je choisis d'exprimer cette liberté comme je l'entends. Et ce soir, c'est en me mettant à nu pour faire passer un message important : on a tou.te.s le droit d'être représenté.e.s, tou.te.s le droit de se montrer, avec notre vision de la beauté et du monde, tou.te.s le droit d'exister en paix, hors de la toxicité des stéréotypes.


D'ailleurs, voici le reste de la série, réalisée par Margaux Pastor, photographe, et militante féministe elle aussi 

 
(coucou les poils d'aisselle ;) )
 
(coucou les seins creusés quand je me penche :) )

Pour tous les selfies et photos pas que je trouvais disgracieux et que je me suis hâtée de faire disparaître pour ne garder que ceux qui me "mettaient en valeur" (vis-à-vis de la sacro-sainte norme aka le male gaze *vomit*), pour toutes ces fois où j'ai voulu m'effacer en détruisant ces images que je qualifiais moi-même de "dégueulasse" (ouais ouais, on en dit des trucs affreux à son reflet dans le miroir parfois, n'est-ce pas ?), pour toutes les fois ou j'ai tiré sur mes fringues afin d'atténuer un décolleté ou allonger une jupe pour les autres... j'ai voulu faire honneur à ces clichés, qui m'ont bousculée comme j'en avais bien besoin et qui pourtant ont bien failli subir le même traitement d'invisibilisation. Je me demande aussi pardon, en quelque sorte, en faisant ça, et c'est une sensation des plus apaisantes.

Bref, je crois avoir fait le tour de ce que je voulais dire. Je suis heureuse de faire ce post ce soir et j'espère que ce sera le début d'une longue série de collaborations (ouais, dès fois, je pose) et de photos que je pourrais partager, estampillées de messages body positive, doux et insolents. Je me sens à la fois à mon plus vulnérable, et à mon plus fort. Mais surtout, libérée (délivrééééée) d'un poids phénoménal, celui de n'avoir pas cédé au doute, à la peur.


Si je peux surmonter un passé d'anorexie, de haine de moi-même, une collection sans cesse croissante de remarques désobligeantes sur mon physique et ainsi que des relations familiales toxiques par rapport à mon corps, et malgré tout poster fièrement une photo de mes bourreletzététons sur internet, sans regrets... n'importe qui peut se réconcilier avec iel-même. Il faut juste accepter de se donner une chance. S'exposer ou non, ensuite ça relève d'un choix, mais il n'y en pas un qui soit plus valide que l'autre.

Je vous embrasse, et je file me sécher.
Bonne fin de dimanche, et courage pour demain matin ;)